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Cette contribution anonyme est une analyse anarchiste radicale du mouvement international “antivax” et des théories du complot qu’il propage. Elle liste également quelques-unes des authentiques conspirations que la pandémie a favorisées.
En préambule, il me faut préciser que je n’ai pas une confiance aveugle en “la science” telle qu’elle existe actuellement. Le discours scientifique a été utilisé de nombreuses fois dans l’histoire pour justifier et rationaliser l’existence de systèmes de domination allant jusqu’au génocide. Je ne suis pas non plus nécessairement en faveur des mesures d’obligation vaccinale concernant le coronavirus.
Cela étant dit : le seul argument que je puisse entendre concernant l’hésitation à se faire vacciner, c’est la peur de l’inconnu. Tout ce qui est nouveau est potentiellement effrayant, y compris la pandémie prise dans son ensemble. Je comprends parfaitement cette peur, que je partage ; ce que je veux critiquer ici, ce sont les théories du complot qui animent l’aile la plus réactionnaire du mouvement antivax international, ainsi que les utilisations opportunistes de cet affect de peur par des groupes réactionnaires et fascistes.
Cette pandémie a permis aux Etats et aux grandes entreprises de conduire de nombreuses actions qu’on pourrait qualifier de “complots”, partout dans le monde. J’en décrirais certaines dans cet article. Mais curieusement, au lieu de dénoncer ces actions (tragiquement prévisibles au vu les dynamiques de pouvoir déjà en place), nombre de militants réactionnaires préfèrent échafauder des théories absurdes pour défendre le capitalisme, nier le fait que certaines communautés sont plus durement touchées que d’autres par la pandémie, et répandre des thèses conspirationnistes qui promeuvent une idéologie raciste et/ou antisémite.
Lorsqu’on observe la réaction de ces militants aux mesures d’obligation (notamment vaccinales) prises pour contrer la pandémie, on peut analyser les ressorts de leur discours et en comprendre la popularité, en particulier chez les fondamentalistes religieux, la police et les personnes sensibles aux discours *New Age*.
Photo from last night's anti-vaxxer rally here in the city of Thessaloniki. Lots of chants about the Anti-Christ coming for your children. #Greece pic.twitter.com/aFLdmgyjIu
— Teacher Dude (@teacherdude) July 29, 2021
Certaines théories évoquent Bill Gates et de mystérieuses “nano-puces”, d’autres parlent de testicules et de tétons, et de nombreuses autres de Georges Soros. Vous en connaissez certainement d’autres encore plus farfelues.
Le point commun de ces théories absurdes, c’est qu’elles jouent sur la peur de l’inconnu. Toutes, en outre, évitent soigneusement de mettre en cause les institutions et les systèmes qui sont responsables de l’irruption de cette pandémie dans notre système mondialisé, et qui l’ont utilisé pour consolider les domination de classe et (aussi impossible que cela puisse paraître) augmenter les fortunes déjà obscènes des plus riches.
Les fascistes, les fondamentalistes religieux et les amateurs de *New Age* se retrouvent autour de ces théories. Ce sont des groupes qui, au moins en Occident, ont en général des existences assez privilégiées, ou du moins la possibilité d’accéder à une forme de contentement personnel dans une société profondément injuste. Il est donc assez peu surprenant qu’ils tombent d’accord pour s’opposer à l’obligation vaccinale.
Le mouvement antivax se renforce partout dans le monde depuis maintenant plusieurs années, mais il est intéressant de constater qu’il a acquis une assise beaucoup plus large aux USA au moment où Trump a réalisé que le virus allait affecter plus particulièrement les pauvres et les personnes racisées, des populations pour qui l’accès aux soins est plus difficile et dont les conditions de vie rendent l’application des gestes barrières complexe, voire impossible. On peut à mon sens dater cette montée en puissance du mois d’avril 2020, lorsque Trump a demandé à Fauci si il n’était pas possible de “laisser faire le virus”.
Ce mouvement est en fait un avatar de l’absurde “guerre culturelle” qui fait rage aux USA et s’étends au reste du monde. Il a un côté très américain : revendicatif et violent, mais sans aucune épaisseur politique. Il s’inscrit dans une tradition historique très protestante, destinée à s’assurer que les citoyens se battent entre eux sans jamais lever la tête pour critiquer ceux qui profitent grassement de leur souffrance. Mais l’extrême droite antivax ne s’intéresse pas à ce genre de considérations, sauf quand il s’agit d’accuser les Juifs.
Ce qui est très clair, c’est que le mouvement antivax est sous-tendu par une vision du monde qui cherche à défendre le marché à tout prix, quel que soit le nombre de morts, et que ses principaux porte-paroles refusent catégoriquement de prendre en compte les notions d’oppression systémique ou ciblée. Ce qui est clair aussi, c’est que même si cela peut parfois nous faire ricaner, ce n’est pas une putain de blague.
Pour revenir aux théories du complot : avec un opportunisme évident, les gouvernements et les grandes entreprises utilisent cette pandémie pour consolider leur pouvoir et modifier les institutions à leur profit, provoquant des tragédies partout dans le monde. Plutôt que de faire ce constat, les antivax préfèrent échafauder des fictions absurdes. Pourquoi ?
Je pense tout simplement que ces personnes refusent d’admettre que le système qu’elles défendent voit la pandémie comme une opportunité pour préserver le *statu quo*, accroître encore la fortune des plus riches et consolider les structures de dominations existantes, au beau milieu d’une crise globale d’une rare intensité. C’est une lecture de la situation qui exige une forme d’introspection et une authentique critique sociale matérialiste, deux traits totalement étrangers à la pensée réactionnaire qui profite de la confusion actuelle pour recruter de nouveaux adeptes. Cette pensée est engagée dans la défense de cette société profondément injuste, considérée comme “le meilleur système possible”.
La version conservatrice de la “liberté de disposer de son corps” ne s’applique qu’à certaines personnes, et est truffée de contradiction obscènes. La majorité de ces pourritures n’a aucun problème avec l’idée qu’une femme meure des suites d’un avortement clandestin, par exemple. De la même manière, les flics qui refusent d’appliquer les amendes pour non-respect du confinement n’hésiteraient pas un instant à traquer, voire à tuer quelqu’un qui volerait de la nourriture pour ne pas crever de faim.
Qu’on ne se trompe pas : j’ai un vrai putain de problème avec l’idée que le gouvernement m’impose quoi que ce soit. C’est un élément majeur de ma vision du monde. Mais à chaque fois que je sors d’un magasin avec moins de fric dans ma poche que quand j’y suis entré, c’est parce que le gouvernement m’impose de le faire sous peine d’aller en taule. Même si je suis affamé, je suis contraint de respecter ce contrat non écrit : pas d’argent, pas de bouffe.
Le gouvernement m’interdit, sous peine de prison, de faire tout un tas de choses dont je pourrais avoir envie. S’opposer d’un coup à cet état de fait, mais uniquement sur quelque chose comme un vaccin (alors que presque tout le monde en a reçu plusieurs dans l’enfance), c’est tout de même se braquer sur un point extrêmement limité et superficiel.
Pour répondre aux soucis un peu *New Age* concernant le vaccin, on peut faire le parallèle avec le cancer (la maladie, pas le signe astrologique). Le cancer, tout comme le coronavirus, est un produit de notre société industrielle. Il tue bien plus que le COVID : c’est la maladie la plus meurtrière dans le monde après les pathologies cardiaques. L’un des seuls traitements efficaces est la chimiothérapie, produite par la même science et la même société qui a produit la maladie. De la même façon que nous sommes contraints d’utiliser des brosses à dent en plastique, produites à la chaîne par des ouvriers sous-payés (aux USA, souvent des personnes incarcérées), pour évacuer de nos bouches les débris de la nourriture merdique que nous sommes contraints d’avaler, nous devons comprendre que cette société est, dans certains cas, à la fois coupable de nos maux et la seule source possible des moyens d’y survivre.
Je l’ai dit, j’ai de l’empathie pour celles et ceux qui se battent contre la peur de l’inconnu. Les personnes souffrant de troubles anxieux, notamment, ont toute ma compréhension, y compris lorsqu’elles hésitent à se faire vacciner. Je n’étais moi-même pas très tranquille lorsque j’ai été faire ma première injection.
Mais si vous regardez les photos des manifestations, par exemple aux Pays-Bas ou en Italie, vous verrez des militants portant l’étoile jaune que les Nazis ont imposés aux Juifs pendant la Shoah.
Rechts-extremist Ben van der Kooi is vandaag ook aanwezig in Amsterdam, hij draagt een Jodenster met de tekst "niet gevaccineerd" op zijn rug. pic.twitter.com/4NV8Q4LC4v
— Oma Vaxxi's Wappiehoekje #ikdoewelmee (@wappiehoekje) October 3, 2021
Ils comparent directement la prétendue “souffrance des non-vaccinés” à celle des personnes visées par un génocide. Pour moi, c’est une ligne rouge. Cette comparaison est insupportable. C’est évidemment une grossière exagération, mais c’est surtout une approche qui permet aux réactionnaires de se poser en victimes opprimées sans avoir à reconnaître l’existence des oppressions bien réelles (racisme, sexisme, homophobie, etc.) inhérente à la société qu’ils et elles veulent défendre. Elle porte, à mon sens, une tentative de décrédibiliser les luttes de celles et ceux qui sont réellement opprimées, dans la lignée des révisionnistes qui nient l’existence de la Shoah ou l’importance de l’esclavage dans l’histoire américaine.
Tout ceci ne suffit pas à faire le tour de la question, et j’ai probablement oublié des éléments essentiels, mais je voudrais à présent lister quelques théories du complot qui ne sont pas des putains de théorie, mais de réelles conséquences de la pandémie.
J’ai trouvé deux définitions de “complot” sur Internet : “plan secret élaboré par un groupe de personnes dans le but de nuire ou de causer du dommage à d’autres”, et “fait de conspirer, d’élaborer secrètement des plans”. Les théories du complot, elles, sont “la croyance qu’une organisation secrète et très influente est responsable d’un événement donné”.
On pourrait discuter de ces définitions, mais je veux m’en servir pour illustrer quelques événements liés au COVID qui, pour des raisons que j’ignore, n’ont pas retenu l’attention des réactionnaires antivax. Je le fais à la fois pour attirer l’attention sur ces événements et pour montrer à quel point ce mouvement préfère inventer des complots imaginaires plutôt que de s’intéresser aux conséquences bien réelles de la pandémie. La question que je voudrais poser à travers ces exemples est la suivante : pourquoi le mouvement “antivax”, dans son ensemble, ne s’intéresse-t-il pas à ces conspirations bien réelles, plutôt qu’à des complots dont il n’existe pas la moindre preuve ?
Les milliardaires
La pandémie a suscité une crise économique sans précédent qui continue de prendre de l’ampleur et affecte à présent une bonne partie de la population mondiale. Partout, la précarité et la pauvreté se normalisent et s’aggravent, et le coût de la vie continue d’augmenter. Les banques centrales ont, à ce jour, injecté environ 7 000 milliards de dollars dans l’économie pour éviter le krach, promettant une inflation haute et de nouvelles mesures d’austérité dans les années à venir.
Dans le même temps, la fortune cumulée des milliardaires n’a fait qu’augmenter, passant en 2019 de 5 000 à 13 000 milliards de dollars, et 700 personnes supplémentaires ont rejoint leurs rangs. Ces deux chiffres sont inédits dans l’histoire économique globale, et ils s’inscrivent dans l’une des crises économiques les plus profondes que nous ayons vu de notre vivant. On peut donc se demander si ces banques ont injecté cet argent dans l’économie d’abord pour rassurer les super-riches sur leurs futurs hôtels de luxe dans l’espace, ou si c’est simplement que même en pleine crise, le système capitalisme fait tout son possible pour préserver le statu quo et enrichir ceux qui en bénéficient le plus.
La surveillance
D’Israël à la Corée du Sud, de la Grèce à la Chine, le *contact tracing*, les systèmes de pass sanitaires, et diverses autres méthodes innovantes de surveillance ont été normalisées dans le but de “gérer l’épidémie”. L’utilisation d’une crise pour faire passer ce qui serait vu en temps normal comme une ingérence insupportable de l’Etat dans la vie des gens, un classique en politique (souvenons-nous du *Patriot Act* en 2001), joue à plein dans de nombreux pays du monde. Pour quitter notre domicile, on peut nous imposer de dévoiler des informations médicales personnelles. Dans un pays comme la Grèce, ou les investissements en sécurité (police, armée, technologies de surveillance) dépassent de loin les dépenses de santé, on peut voir ces mesures comme une tentative d’installer un véritable appareil de surveillance à la Big Brother, camouflé en un protocole d’urgence à court terme.
Il est probable que certaines de ces techniques se normalisent, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles formes de surveillance plus invasives qui étaient jusqu’ici mal vues (voir illégales) en Europe. Cette utilisation opportuniste de la pandémie pour augmenter et normaliser les techniques de surveillance peut être vue comme les prémisses d’un monde encore plus contrôlé.
Pourquoi le COVID, et pas le cancer ou les maladies cardiovasculaires ?
Au niveau mondial, le COVID n’est que la troisième maladie la plus meurtrière, loin derrière les pathologies cardiaques et le cancer. Comment se fait-il alors que les gouvernements ne subventionnent pas une alimentation plus saine ? Pourquoi laisse-t-on encore des entreprises minières et chimiques relâcher des toxines cancérigènes dans l’air et l’eau potable ? Si les gouvernements mondiaux sont capables de mettre en place des mesures aussi lourdes et coûteuses pour lutter contre le COVID, pourquoi ne pas le faire également contre ces maladies bien plus meurtrières ?
Une explication possible, c’est que le cancer et les cardiopathies provoquent des morts lentes et affectent majoritairement les pauvres, qui n’ont pas la possibilité d’accéder à une alimentation saine ni à des lieux de vie exempts de contaminants cancérigènes. Crucialement, ces pathologies insidieuses n’empêchent pas immédiatement leurs victimes de travailler, et dans la plupart des cas, ne les emportent que lorsqu’elles ont déjà un certain âge et ont donc donné l’essentiel de leurs capacités de travail. Les gouvernements ne seraient-ils pas plus préoccupés par une diminution de la main-d’oeuvre disponible, occasionnée par la mort rapide qui accompagne le COVID sévère, que par la santé et la sécurité de l’humanité ?
Le “nationalisme” vaccinal
La campagne globale de vaccination peut être elle-même considérée comme un complot visant à éliminer les pauvres et les habitants du “tiers-monde”. Le “nationalisme vaccinal”, c’est à dire en pratique la priorité donnée aux personnes et aux nations plus riches dans l’accès à la vaccination, constitue un véritable génocide passif. Les antivax occidentaux, aveuglés par leurs privilèges, sont incapables de percevoir cette réalité. Lorsqu’on examine la situation vaccinale en Inde, à Haïti ou sur la majorité du continent africain, on ne peut s’empêcher de se questionner : les obstacles bureaucratiques qui ont empêché tout transfert de connaissances concernant les vaccins sont-ils une conspiration visant à réduire drastiquement la population des pays “sous-développés” ? Peut-on parler ici de conspiration, ou est-ce simplement une description de la situation ?
Un exemple à plus petite échelle est celui du début de la vaccination en Israël. Alors que cet Etat affichait le plus haut taux de vaccination au monde, l’accès des Palestiniens au vaccin a été délibérément réduit. Ce déséquilibre dans l’accès à la vaccination constitue une agression ciblée, utilisant les outils de la médecine, de la part de l’Etat israélien sur la communauté palestinienne.
Le Brésil, sous la coupe du dirigeant fasciste Bolsonaro, est dans une situation analogue : de nombreuses communautés indigènes accusent l’Etat brésilien de génocide, et certains ont même porté ces accusations devant la justice. Dès l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, les barons de l’agriculture et de l’élevage ont immédiatement commencé à s’accaparer de larges pans de la forêt amazonienne, menant une véritable guerre contre les populations autochtones et les défenseurs de la nature. Cherchant à raser la forêt pour installer des pâtures, ils ont simultanément eu recours à la violence physique et à l’incendie criminel. L’arrivée du COVID a donc été une opportunité pour Bolsonaro, qui s’est très vite aperçu que les populations indigènes seraient plus vulnérables à cette maladie, d’autant qu’elles n’ont que rarement accès à la médecine conventionnelle.
Tout comme Trump, son frère en esprit, Bolsonaro a rapidement réalisé que le virus allait affecter beaucoup plus largement les communautés les plus exclues et marginalisées. Restreindre l’accès au vaccin et empêcher l’extension des infrastructures médicales en Amazonie est, jusqu’à aujourd’hui, l’une des armes de Bolsonaro dans sa guerre contre les communautés indigènes et la forêt amazonienne. La tactique est ancienne : les puissances coloniales européennes ont par exemple sciemment répandu leurs maladies parmi les peuples amérindiens lors de leur conquête des Amériques. Plutôt que de pleurer sur le vaccin lui-même, comme le font les antivax, on peut considérer que le défaut d’accès au vaccin est le véritable complot.
Maintenir l’ordre
La Thaïlande et la Grèce, parmi d’autres, ont utilisé la pandémie pour restreindre la liberté d’association et le droit à manifester. L’utilisation de la pandémie par l’Etat grec pour attaquer le mouvement social et maintenir l’ordre public est à présent bien documentée. La Thaïlande, quant à elle, est l’un des pays qui présente le plus de disparités entre pauvres et riches, et a connu ces dernières années des mouvements étudiants massifs contre le *statu quo* et la monarchie. Le gouvernement Thaï, comme d’autres un peu partout dans le monde, s’est empressé d’utiliser la pandémie pour restreindre et criminaliser les réunions publiques, arguant de l’urgence sanitaire. C’est une astuce connue et qui est utilisée par de nombreux régimes autoritaires. Les antivax tendent à se focaliser sur la fermeture des restaurants ou des salles de sport, mais il est tout à fait exact que de nombreux gouvernements ont sauté sur l’occasion d’utiliser le virus pour masquer la répression de leurs opposants politiques.
La quatrième révolution industrielle
Des milliards d’humains ont dû rester chez eux sans pouvoir travailler, et pourtant, nos sociétés industrielles automatisées ont pu continuer à nourrir leurs populations. Cela a-t-il pu montrer aux industriels, aux capitalistes et aux technocrates les possibilités d’une automatisation encore plus grande ? Ce processus sera-t-il accéléré par la crise sanitaire, déprimant encore un peu plus le marché du travail et ouvrant la voie à un future dystopique et féodal ?
Deux secteurs ont largement profité de la crise : la livraison de nourriture à domicile assistée par algorithme et les services de streaming vidéo qui recyclent les vieilles sitcoms. Le monde est devenu encore plus isolé, plus aliéné…mais il continue de tourner. Ceux qui en sont les maîtres ont-ils découverts de nouveaux seuils dans ce que les humains sont capables de supporter ? Le coronavirus a-t-il produit un abaissement des attentes collectives sur nos conditions de vie ? Historiquement, les épidémies globales ont été l’occasion de nouveaux développements dans l’industrialisation : qu’en est-il aujourd’hui ?
Cinq complots, donc, qui ne sont qu’une petite sélection des manipulations opérées avec la bénédiction des Etats capitalistes depuis le début de la pandémie. Et pourtant, les antivax (qu’ils soient du genre *new age*, intégristes religieux ou carrément fascistes) préfèrent se complaire dans la dénonciation des “Illuminati” qui n’existent que dans les mèmes plutôt que de mettre en cause l’élite bien réelle qui tient les rênes du pouvoir.
Nous avons cité plus haut une définition des théories du complot qui implique des “organisations secrètes et très influentes”. Plutôt que de cibler quelques individus, ou une hypothétique “cabale juive”, on pourrait appliquer ce descriptif à l’ensemble du système capitaliste (Etats et grandes entreprises), qui est institutionnalisé, en place et systémique. Les réactionnaires vont s’obnubiler sur un visage en particulier, ignorant le cœur pour préserver l’intégrité du corps tout entier. Leur mouvement antivax est aussi superficiel qu’il est raciste, et est tout simplement incapable d’intégrer le fait que les authentiques complots liés à la pandémie font en fait partie du fonctionnement normal du modèle de société qu’ils défendent. Ils vont utiliser l’origine chinoise du virus pour étaler leur racisme, tout en ignorant totalement des sujets comme la surexploitation humaine des terres ou l’élevage industriel, qui sont les causes premières de la présente crise.
Les réponses anarchistes à la pandémie ont été multiples : grèves des loyers, créations de groupes d’entraides mutuelle pour amortir les chocs liés à la crise économique, projets de santé mentale pour se soutenir mutuellement dans cette période angoissante et contrer la tendance globale à l’isolement social. Nous nous sommes également opposés à certaines mesures qui n’avaient aucun sens sanitaire, comme les diktats pris par les gouvernements grecs, israéliens ou hongrois.
Le mouvement anarchiste a dû se positionner politiquement en trouvant un équilibre entre la nécessaire protection des plus vulnérables et la critique des mesures sécuritaires prises par les Etats durant la pandémie.
Pendant ce temps, les réactionnaires s’en prennent physiquement à des médecins, des enseignants ou des hôtesses de l’air. L’establishment “de gauche” jette l’opprobre sur quiconque ose exprimer sa frustration devant les mesures sanitaires, sans prendre en compte une seule seconde la manière dont elles affectent différemment les gens selon leur classe sociale ou leur degré de privilège. Nous, anarchistes, rejetons tout autant cette abjecte soumission aux mesures autoritaires que son pendant d’extrême droite, véritable culte de la mort aux relents raciste. Trouver cet équilibre en tant que mouvement est essentiel, car ce “moment pandémique” risque de s’installer durablement.
La crise a mis à nu les conflits de classe, et la totale déconnexion entre revenu et utilité sociale. Elle a été l’occasion de soulèvements partout dans le monde, des Etats-Unis à la Thaïlande, révélant au plus grand nombre l’absurdité fondamentale de nos sociétés stratifiées. En tant qu’anarchistes, notre riposte doit se fonder d’abord sur le soutien et l’entraide, à la fois matérielle et émotionnelle. Les gouvernements du monde entier vont continuer d’utiliser la pandémie comme prétexte pour augmenter le niveau de contrôle social, tout en tentant de réécrire l’histoire pour passer leurs erreurs sous silence. Nous devons continuer d’identifier et de dénoncer ces tentatives, et empêcher les réactionnaires, les pseudo-hippies *new age* et les intégristes religieux de détourner la colère légitime du peuple vers d’autres cibles.
Nous devons rejeter tout ce théâtre politique, aussi bien le soutien aveugle à toute les mesures liberticides de la gauche libérale que l’abject opportunisme de la droite réactionnaire.